EXPOSER EN INDE

L'époque de mes études et premières expositions dans les années 70 coïncident avec l'ouverture de l'occident et de la France sur la spiritualité orientale et indienne L'approche de ces philosophies par la pratique du yoga, du yi king et du zen va guider ma démarche artistique.

Dans son livre ART YOGA, Ajit Mookergee développe les correspondances entre les pratiques de la méditation et la mise en forme de visions synthétiques et abstraites obtenues par celles-ci, notamment à partir du MANDALA.

Ma peinture alors géométrique, symbolique et abstraite trouve dans ces préceptes sa justification. Dans le même temps, la lecture de DU SPRITUEL DANS L'ART de Kandinsky et THEORIE DE L'ART MODERNE de Klee la visite d'expositions de maîtres contemporains dont les surréalistes, me confortent dans le fait que les occidentaux s'inspirent de concepts philosophiques ou de formes d'autres cultures et le traduisent symboliquement dans leur art.

Mais, à la différence de ces artistes qui approchent les cultures seulement par les livres et l'image des oeuvres, je pars en 1984 mandaté par le ministère des affaires étrangères à VANUATU, avec, pour mission de développer un art mélanésien contemporain.

M'immergeant alors dans les coutumes des tribus, ma peinture précédemment abstraite et symbolique se nourrit des formes traditionnelles des ethnies des îles de l'océan Pacifique.

S'ensuit un « kaléidoscope », non contrôlé et pour certains comme peints sous emprise, de tableaux spontanés riches de référents primitifs (kanaks, aborigènes) allant parfois jusqu'à des représentations anthropomorphiques. Cette création se poursuivra à MAYOTTE et aux COMORES au contact de cultures d'origine africaine.

Installée à la Réunion, déchargée de mes missions d'enseignement, je me consacre plus largement à ma création, à la réflexion, que sa maturation, et la synthèse des cultures rencontrées m'impose. La Réunion m'intéresse à plusieurs titres rencontre de races et de cultures elle est, entre autre peuplée d'anciens esclaves africains, de descendants d'engagés indiens et de métropolitains. Elle propose un peuple métissé de la trilogie culturelle qui a porté mes voyages ma création et mon cheminement l'Inde, l'Afrique, l'Occident.

Dans mon atelier s'élabore une nouvelle série de recherches, se présentant essentiellement sous l'aspect d'une méditation picturale dont le point d'orgue est le RIVAGE lieu d'ancrage du navigateur après la longue traversée.

Le retour à la motivation première de cette méditation, la spiritualité indienne, boucle le parcours. Je reste en pose, en contemplation de ce que la nature offre à mes yeux sous son aspect le plus réel, approchant, s'il en est, «l'art brut» ou le « minimal art »

Ayant perdu mes amers occidentaux, je me ressens moi même métissée, multiple mais riche de l'harmonie du monde, et je me réunis dans le souffle de ma respiration, «athanor», souffle intérieur vital et spirituel, semblable à la respiration des vagues qui se rythment et se donnent à la plage.

L'art contemporain indien est issu d'une fusion entre les cultures traditionnelles ancestrales et la culture occidentale apportée à l'origine par les Anglais. J'affirmerai, pour ce qui me concerne, que ma création est issue d'une rencontre en sens inverse, de la culture occidentale européenne et de la culture spirituelle orientale.

EXPOSER EN INDE, c'est proposer, comme une pose, un acte de paix, prenant symboliquement pied sur le rivage, la croisée de nos regards emprunts chacun du chemin qu'il a suivi. Alors que jadis des engagés indiens apportaient leur contribution à la Réunion, je vais quelques siècles plus tard rendre hommage à leur pays d'origine dont la philosophie m'a nourrie.

Mon exposition entre vagues et rivages, proposée comme un espace d'harmonie, port d'accueil hospitalier, est ouverte au plus large public et sera l'occasion pour les artistes indiens de rencontrer le parcours d'un peintre occidental qui a choisi de vivre, au milieu de l'océan, sur la terre métissée de la Réunion entre le levant et le ponant...

Ka.Ty DESLANDES

Le grand large, la Réunion 2 avril 2003

OFFRANDE SUR LE RIVAGE

La pratique du yoga et de la méditation sont depuis toujours le préambule quotidien de ma création.

Cette présence du souffle intérieur, comme base de ma vie, m'a poussée en 1984, à quitter Paris, capitale intellectuelle où je suis née, pour des terres lointaines dites primitives les expositions «Noir ou l'origine du monde» 1998 et «D'îles et d'amour» 1999 présentées à la Réunion, relatent ces rencontres    passion, avec les traditions ethniques des hommes des océans pacifique (Vanuatu, Kanakie, Australie) et indiens (Comores Madagascar, Mascareignes).

Mon voyage en Inde, comme une quête, est l'hommage que je rends aux maîtres indiens qui ont supporté mon cheminement, qu'il soit créatif ou spirituel...

Présenter ce travail sur le thème de la mer est un point d'orgue le rivage est le lieu d'ancrage du navigateur après la longue route. Il est pour l'îlien la limite de son territoire Faire offrande sur la plage, c'est comme le peuple indien, s'incliner devant la vie et ce que la terre nous donne. C'est aimer sans objet.

Ma peinture, pratiquée au sein même de la nature comme un rituel, accouple les éléments, les matières et les couleurs. La création y est prétexte à constater ce qui est là, simplement, offert à l'oeil et à l'être.

CREER EST UN ACTE DE PAIX.

Ce n'est pas un hasard si le fruit de ce travail s'est maturé à la REUNION, île Vierge, investie jadis par les peuples navigateurs, ou, pour ne citer qu'eux, les esclaves et les engagés indiens ont été débarqués.

Cette vie métissée, devenue mienne, m'a incité à refaire le voyage en sens inverse.

Exposer à la Réunion puis en Inde, c'est peut-être restituer, ce que l'occident de mes origines, le métissage de ma vie actuelle et l'enseignement spirituel apportent de richesse et d'expression à mon travail dans une authenticité que je crois contemporaine même si les références ne sont pas artistiques.

KaTy. DESLANDES

Le grand large, la Réunion le 31 mars 2003